Tout d’abord je tiens à remercier tous mes amis et proches pour leurs encouragements et félicitations mais je me dois avant tout de restaurer la vérité sur cette course.
J’aurais pu la raconter comme ça : « prise d’une crise aigue de mal au ventre dûe à une péritonite aggravée, j’ai atteint avec bravoure le 5ème kilomètre et vu qu’il n’y avait pas de chirurgien au ravito pour me retirer mon appendicite sur le champs, j’ai dû prendre la délicate décision de continuer au péril de ma vie, remonter stoïquement les 15 filles qui se trouvaient devant moi pour finir au coude à coude et gagner cette précieuse 6ème place avec brio dans le dernier kilo », un vrai modèle de bravoure et de pugnacité !
Mais non c’est faux et archi-faux . Cette course a été pour moi une compilation de toutes les pensées négatives qu’il est possible d’expérimenter en course.
Il y a la vie intérieure et le monde extérieur… je vais donc vous conter « mon monde intérieur » le temps de cette course.
Je vous préviens, après avoir lu ce CR , si vous aviez un tant soit peu d’estime et de respect pour mes résultats de coureuse, vous aurez certainement une bien basse image de moi. Tant pis, de toute façon je n’ai aucun orgueil (vous pouvez aussi stopper votre lecture ici, c’est pas plus mal non plus).
Alors voilà : pour monter sur la boite du Challenge Salomon, il ne faut pas un bien gros mental, juste un peu de bonnes dispositions, un soupçon d’entrainement et beaucoup de chance, ce qui fait 2 facteurs sur 3 dont je ne suis pas responsable.
Pour ceux qui n’auraient pas suivi, le 34km des trails du Sancy constitue chez les filles l’ultime étape du Challenge Salomon, barbarement rebaptisé « National Trail Running cup 2011 Salomon endurance ». Ce challenge était mon fil rouge pour l’année 2011, ça m’évitait surtout de réfléchir à quelle course participer puisque c’est Salomon qui avait choisi pour moi (très belle sélection soit dit en passant).
J’avais prévu de participer à 4 courses en privilégiant les profils plutôt roulants : La Romeufontaine (16/01), l’Ardéchois (1/5), Guerlédan (12/6) et le Bugul Noz (30/7).
Ce que je n’avais pas prévu, c’est qu’à l’issue de ces 4 étapes, je me classais 3ème du Challenge à 40 malheureux points de la 2ème (ballot !) et si mes calculs étaient bons une 6ème place au Sancy suffisait pour gagner ces 50 petits points.
Après 3 jours de recherches sans relâche sur internet, je découvre effarée que le Trail du Sancy a lieu le même jour que le Marathon du Medoc auquel j’avais prévu de participer avec un gros objectif : 3 (non ce n’est ni le temps, ni la place, c’est les grammes).
Dur dilemme …
Le Trail du Sancy, je connais pour l’avoir fait en 2009 et 2010 : c’est 34 km pour 2400D+, un vrai cauchemar pour la coureuse de plaine que je suis.
J’y vais ? , j’y vais pas ?........
Il est des décisions parfois que l’on prend et que l’on doit assumer jusqu’au bout malgré l’évidence de la connerie qu’elles dégagent….
9h30 dimanche matin 11 septembre sur la ligne de départ du Trail du Sancy (je fais l’impasse sur l’arrivée, l’installation dans la pittoresque bourgade du Mont Dore haut lieu de la truffade, du bougnat et des napperons à la finesse du point légendaire).
Les conditions météos annoncées sont improbables et l’organisateur évoque l’éventualité de dévier le parcours.
voix intérieure/off : « oh oui oh oui, on monte pas au Sancy ! d’ailleurs si on montait pas du tout .. »
Quelques mots échangés avec Karine et le départ est donné
Voix intérieure/off : « je sais pas, je la sens pas celle-là, c’était pas prévu de la faire, c’est pas bon de forcer le destin… » . En même temps : « je n’ai pas annulé un we de fête dans le Medoc, fait le déplacement à l’autre bout de la France pour avoir ce genre de tergiversation » (seule pensée positive de la course , ça c’est très bien)
1 km de bitume, ça me va, et c’est parti pour la montée, …interminable montée.. « pfiuuuu c’est dur la montée et en plus ça avance pas, mais pourquoi tant de souffrances inutiles ?? »….
3 filles sont déjà devant moi, 2 à mes basques, elles passent … je sors ma calculette : ça fait déjà 5 filles devant au bout de 3 kms.. Et là, évidemment, la miss commence à avoir mal au bide, psycho quand tu nous tiens ! Mon mental de fer me dit de ralentir que de toute façon c’est mort, que j’ai de plus en plus mal au ventre et que je ne sais pas si je pourrais arriver au ravito du 5ème. En attendant les filles me passent en un joli défilé continu. M’en fous ! Ma décision est ferme et définitive : j’arrête au 5
Arrivée au ravito, pleinement satisfaite de ma décision, je l’annonce, non sans fierté, à mes supporters et accompagnateurs. « Non tu continues, ça va passer, ça va revenir »
Ah ça pour revenir ça revient, au moins 15-20 filles devant, j’ai arrêté de compter il y a belle lurette.
Pour que les encouragements cessent enfin (c’est pénible) je repars avec la ferme intention d’abandonner plus tard. Je réenclenche le mode « ballade », le brouillard commence à descendre et je ne cesse de me demander ce que je fous là.
Alors pour me distraire et comparer ce qui est comparable en termes de galères, je repense a Aaron Ralston (incarné par le terriblement séduisant James Franco) dans 127 heures et tout d’un coup j’ai honte.. Qu’aurais-je fait à sa place coincée dans un canyon un rocher m’écrabouillant la moitié du bras ? Et ben je crois que je serai tout simplement morte de déshydratation à force de pleurer de toutes les larmes de mon corps.
Divertie par mes états d’âmes, je reviens tout d’un coup en Auvergne dans la monté du Roc de Cuzeau pour m’apercevoir que non loin de moi, se dressent les silhouettes de 2 filles, + une un peu plus loin. Ça me bouche la visibilité,. C’est comme en bagnole j’aime pas trop trop, alors je décide de passer (toujours pour les bonnes raisons vous constaterez)
De fil en aiguille, je reviens sur 2-3-4-5, etc… filles. C’est drôle, c’est comme quand on compte les moutons, à défaut d’endormir ça aide à faire passer le temps (interminable le temps, qu’est ce que je peux m’ennuyer … Tiens j’ai plus mal au ventre...)
Descente vers Super Besse où j’apprends que je suis 7ème. Ben c’est quoi ce bordel, ça veut dire qu’il va falloir penser à l’éventualité de se battre un peu pour aller chercher une place supplémentaire ? ça me fatigue d’avance.
S’enchaine ensuite la terrrrrrible montée de Super Besse au Sancy, le brouillard se fait de plus en plus dense. Je m’accroche à la foulée de 2 gars qui avancent pas si mal - pas suite à un accès de motivation soudaine, vous vous doutez bien, mais parce qu’il est hors de question que je me retrouve toute seule dans cette purée de pois. La pluie, les rafales de vent s’en mêlent dans la dernière ascension et je décide de lâcher mes lièvres parce que je ne trainerai pas une minute de plus dans ce trou à rats.
Début de la descente, 5km de descente à venir, et j’aperçois au loin un très seyant maillot rose bonbon qu’il me semble avoir déjà vu il y a fort longtemps.
Je remonte (ou plutôt : je la passe dans la descente) parce que j’aime pas trop le rose bonbon, trop agressif pour les yeux et.. boumbadaboum, je me vautre élégamment, puis foudroyée par une crampe à chaque mollet, je me retrouve coincée dans la très distinguée position de la « tortue » (non je ne développe pas), un grand classique chez moi puisque expérimenté à FontRomeu et repris avec succès au trail de Guerlédan.
La miss en rose me repasse, « ça va ? » et file de plus belle. Le temps que je retrouve la faculté de mes membres, elle est déjà à plus de 100 mètres, le terrain devient plus roulant et propice à la relance. Au panneau 4 km de l’arrivée, force est de constater qu’elle est encore à 50 mètres devant et qu’elle va exaccctement à la même allure que moi. C’est là que j’ai pensé « ce serait quand même une sacrée chance si elle se prenait une petite racine.. » Et juste à ce moment là, des trombes d’eau ont commencé à s’abattre sur moi, le déluge, le chemin se transformant en une coulée de boue géante et merde mon lacet est défait (c’est là que, toute athée que je suis, j’ai eu un doute sur l’existence de dieu et de l’expiation divine).
A 2km de l’arrivée, je suis juste derrière elle mais elle s’accroche autant que moi (ça me rassure de savoir que je ne suis pas la seule à me demander ce que je fous là et à vouloir en finir le plus viiite possible)
500m plus loin, je trouve cette descente décidément trop longue, alors tant pis je passe et je continue avec la ferme intention de ne plus me retourner jusqu’à l’arrivée (« toujours droit devant, sans jamais se retourner, comme les vrais »), 500 mètres plus loin,… je me retourne. Oups l’est plus là, l’est passée où ? Je commençais pourtant à me convaincre qu’une 3ème place au challenge c’était finalement pas si mal et que la dotation voyage de la 2ème ça pouvait être le Mont Dore en 2012 …. Et que…. Et que …..
J’entends alors le micro de l’arrivée, les angevins, Intrépides, ETA et proches m’encouragent puis me félicitent pour ma … 6ème place
« T’es contente ?
- Euh oui chui ravie ….
- Voix intérieure off « …mais qu’est ce que j’ai honte ! »
PS : vous pouvez supprimer vos commentaires élogieux sur facebook suite à la publication des résultats du challenge, je comprendrais (d’ailleurs c’est exactement ce que je ferai si j’étais vous)