56 kms c'est long!
Mais ça aurait pu être pire car je m'étais inscrit au "défi". J'y ai prudemment renoncé en voyant la chaleur et les bords encastrés du lac.
Veille donc de la dite course, nous profitons d'un restaurant de bord de lac, pizza, crêpe au sucre et bière. Si je dois mourir, que ce soit après mon repas préféré.
Après avoir tout bien préparé, nous tentons de nous endormir dans notre hôtel. Chaleur, bruit et peut-être "pression", nous n'avons guère dormi. Je dis nous en découvrant au matin le visage hagare de mon voisin de chambre qui me propose de co-voiturer jusqu'au départ.
Départ à 8h30. Il fait encore frais, un petit café, qqs échanges, les commentaires d'avant course : "la course s'annonce plus dure que les années passées... des podologues à partir du 31 ème kms... 4 ravitaillements (19, 31,41 et 49).
Je craignais que mes chaussures achetées 1 mois auparavant et un poil trop petite soit mon principal ennemi. Finalement au 1er ravitaillement (km 19), tout va bien. On m'annonce dans les 200 premiers. Pas mal aux jambes, bon rythme, je le sens bien. sauf qu'il doit rester à la louche 4h de course.
Départ du tour du lac. Un sadique a dessiné les chemins. Rien à voir avec l'étang saint Nicolas. On monte à travers des chemins très serpentant et jonchés d'obstacles pour avoir une belle vue sur le Lac. Aussitôt fait, on redescend comme si l'on voulait s'assurer que finalement c'était pas mieux en bas. La rive sud du Lac apparaît très longue. Le 31ème km tarde à venir. Il arrive finalement comme une délivrance après avoir atteint le bout du lac et grimper par dessus le barrage. Les spectateurs disent qu'on a fait le plus dur et nous prédisent des chemins de coton et d'ombres. Après le second ravitaillement, que je continue de me faire à l'eau, je double les podologues, proche de l'auto-prescription.
Environ 2-3 kms après, comme si les podologues n'avaient pas apprécié que je me m'arrête pas, une guirlande d'ampoules éclairent la douleur de mes pieds.
Je me dis qu'il ne doit plus rester qu'une vingtaine de kms en approchant du 3ème ravitaillement au km 41.
En redescendant près du lac, on le longe dans de hautes herbes. Qqs barbelés nous oblige à des contorsions, où je vois d'autres concurrents tout vêtu du Salomon'Style perdent tout contrôle en essayant vainement de passer avec classe sous les dits barbelés. Doubler des Salomon'ver de terre me redonne du courage. Je me dis qu'on est tous au même point : des ampoules plein les chaussures, des cuisses comme du bois et cette obsession du km 56 qui nous libèrera...
Sauf qu'enfin arrivé au dernier ravitaillement : km 49, alors que toutes les montres indiquent 53 kms parcourus, les organisateurs nous confirment qu'il reste 6 kms de torture. On ne la fait pas aux trailers : 53 + 6 = 59. Les protestations fusent comme des enfants face aux jouets désirés dans un magasin.
Pas convaincu que nos parents du jour ramènent la ligne d'arrivée plus près de nous, je poursuis.
Mais durant ce ravitaillement, je fais une erreur. J'aurai dû continuer à l'eau qui m'avait parfaitement convenue jusque là. Or, je cède à ce ravitaillement salé qui proposait du saucisson. J'en prends 2 tranches. Rien qui puisse nourrir mais assez pour déclencher les appels au secours d'un estomac en colère. Au bout d'1 km, je sombre dans l'hypoglycémie absolue. Je regarde le sol, les racines, les herbes, à la recherche de la moindre chose que je puisse tendre à mes papilles pour m'apaiser. J'ai envie de demander à un concurrent, un spectateur, un gâteau. Si près du but... Mais ce serait de la triche. Alors j'accroche un concurrent qui était lui aussi sur le point d'abandonner 2 kms auparavant et nous avançons, pour réduire les mètres nous séparant de la ligne d'arrivée, symbole d'eau et de nourriture de toute sorte...
Plus que 3, plus que 2, plus que.... Ca y est, on les entend...
J'entends une spectatrice s'arrêtant d'applaudir en me regardant et porter sa main à sa bouge pour retenir un haut le coeur. (Il m'arrive d'avoir meilleure mine). 200 m avant. La petite rivière à passer, les pieds dans l'eau... Pourquoi pas !
Et puis Florent, et puis Virginie, et puis des oranges et de l'eau... Et puis enlever mes chaussures et attendre les résultats.
6h44. 71ème.